Euh... help me ? Pv. Charlie

Ce jour-là, je me sentais bien, en pleine forme, prête à tout encaisser. C’est souvent ce genre de jour ou l’on sent parfaitement bien dans sa peau, fort et puissant que notre route peut faire une embardée très, très violente. J’avais déjà expérimentée cela, cependant c’était il y a longtemps - assez longtemps pour que je me dise que j’étais capable d’agir comme une vraie demi-déesse. Alors voici comment commença la journée d’Hailey Wilson, fille de Nyx, trouillarde comme pas d’eux lorsque l’heure de dormir approche. Plutôt tétanisée et bloquée. Effrayée d’entrer dans ce monde qui n’est pas celui des gens qui vivent, dont le cœur bat normalement, pas comme le sien - le mien. Mais ce jour-là devait être différent des autres. Je recherchais la liberté avant tout, un besoin incommensurable.

Alors très tôt, j’avais filé faire quelques tours en courant, un sourire aux lèvres rare pour moi. Mais ce regain d’énergie me plaisait. En forme et clairement prête à le montrer aux yeux de tous. Je n’oubliais pas de faire attention alors je ne forçais pas, mais aucune piqure au niveau de ma poitrine ne survenait alors je poursuivais cet entrainement, ravie ne cherchant qu’à être exténuée par les efforts, sentir des courbatures, être fatiguée pour une bonne raison par une malformation stupide, qui avait déjà fini par m’emporter une fois. Après une bonne petite course, j’allais pratiquer quelques entrainements pour me décrasser.

Mon coeur ne s’emballait pas. Ma respiration restait égale à elle-même. En soi, j’en étais ravie et me décidais à tenter quelque chose. Le mur d’escalade me tentait depuis bien longtemps, j’attendais ce jour où je pourrais tenter ma chance plus haut que d’habitude. Alors j’y allais, sereine sans doute trop alors que je m’élançais dessus, agrippant les prises avec agilité. Je ressentais cette liberté que je cherchais tant malgré les pièges, les prises qui s’en vont, les quelques jets de laves qui cherchent à vous cramer. Mais je m’amusais sans me faire déloger jusqu’au moment ou la prise qui soutenait mon pied gauche se fasse la malle et m’oblige à me projeter de toutes mes forces. J’en agrippais une avec la main gauche mais cela ne suffirait pas. Mon cœur commençait à s’emballer alors que mes muscles criaient grâce.

Silencieusement, je ne voulais pas et souhaitais que ce n’était qu’un petit moment de faiblesse mais le fait était là, les forces m’abandonnaient, la douleur revenait. Je n’eus pas vraiment le temps de comprendre la suite depuis le moment où je lâchais et tombais pour me rattraper in-extremis, mais ma visions se troublait et la douleur m’empêchait de réfléchir correctement. Mes bras tremblaient. Je m’en souvenais. Tout autant que quelqu’un vint à mon secours par je ne sais quel hasard mais elle était là sans que je la sache réellement. Je ne sentais que la douleur sourde qui résonnait dans tout mon corps. Je sentais à peine comment elle parvint à nous faire descendre le peu de mètres qu’il restait depuis ma chute mais elle le fit. Sa forme restait floue, alors que mon souffle revenait difficilement. J’étais complètement perdue et dans le cirage.

Trop pour savoir ce qui venait de se passer. Mes yeux luttaient pour que la silhouette qui m’avait soutenue et ramenée sur la terre ferme loin de ce mur et des ces pièges, se précise. Je voulais et forçais pour que cela se fasse. En attendant, j’étais incapable du moindre mouvements, j’avais mal partout, mon cœur battait follement bien trop. J’avais peur pour le coup, peur que tout recommence. Silencieuse à part pour les râles de ma respiration plutôt laborieuse. Ma poitrine me faisait mal tout comme mon bras, la douleur jusque dans mon poignet irradiait follement. Au fil des minutes, les sons me revenaient je n’étais plus si hagard qu’au départ, moins aveugle, moins sourde. La silhouette se précisa assez pour que je reconnaisse une fille. Prenant une bouffée d’air, légèrement en suffocant, les sons s’échappèrent pour déclarer sans détour d’une voix faible mais sérieuse

« N’en parle jamais. ». Sans appel. Elle le devait. Je ne pouvais pas me permettre qu’on sache pour moi. Elle devait se taire. La fille d’Héphaïstos ne devait jamais parler de ce à quoi elle venait d’assister. Je me sentais faible et stupide. J’avais abusé. C’était ma faute. J’aurai dû le savoir pourtant mais les signes de danger étaient arrivés trop tard. Si cette fille, Charlie n’avait pas été là, mon coeur aurait pu lâcher. Elle m’avait soutenu pour amorcer ma descente, ça je le savais mais le reste s’était évanoui rapidement ne me laissant que la fatigue sonnant dans mon corps. Fermant les yeux, toujours à terre, j’attendais que ma respiration redevienne correcte pour remercier ma camarde. Je détestais déjà cette idée que j’avais une dette envers elle. Bordel, quelle conne je pouvais être. Mais pour l’instinct, je voulais juste qu’elle me promette de ne jamais en parler. C’était là tout ce qui comptait à mes yeux et j’y tenais.

Parler de soi, elle n’avait jamais aimé ça. Et ce n’était pas maintenant que ça allait changer. Charlie était une sorte de mur tranquille, un peu trop butée, un peu trop ferme, quelque chose dans ces eaux-là… Là où d’autres cacheraient leur vie derrière des sourires, et des éclats de joie, ou encore derrière une nervosité traître et une dureté protectrice. De son côté, elle ne se montrait même pas évasive. Elle était juste silencieuse. Ne cherchant pas à cacher qu’il y avait quelque chose, juste ce qui se dessinait derrière. Certains attaqueraient, ironiseraient, se défileraient, ou même feinteraient, mais il n’y avait rien de tout ça chez elle. Juste cette aura presque dépressive d’une fille qui ne va pas bien. Cela se voit quand on la connait un peu. Cela se sent si on l’observe avec attention. Cela s’entend si on dort auprès d’elle, et qu’on perçoit son souffle qui accélère au même rythme que celui de son cœur. Charlie n’est plus ce qu’elle était. Déjà bourrue à la base, certes, elle n’en était pas moins quelqu’un d’un minimum ouvert et sociable, une force réellement tranquille, qui laisse les gens entrer dans son monde, sans se faire désagréable. Peu causante, mais à l’écoute, elle n’était à présent, qu’une sorte de coquille vide qui se laisse aller. Complètement à la dérive. Ce qu’il s’était passé pour qu’elle devienne ainsi… Elle ne l’avouerait jamais. Mais cela hantera sa mémoire jusqu’à la fin de sa vie. Charlie n’est pas prête de s’en remettre, et pour être franche, je ne pense pas qu’elle le puisse vraiment un jour.

Avalant une tasse de café froid, un œil sur l’horloge centrale de l’atelier, la jeune fille sent son estomac se contracter face à l’apport de caféine. Cela fait du bien, même si le breuvage n’a plus sa saveur première. Depuis combien de temps est-il posé là ? Aucune idée. Peut-être qu’il datait de la veille, que Matthew l’avait fait et laissé là. C’était plausible. Son frère travaillait beaucoup à l’atelier également. Et même s’ils ne parlaient plus comme autrefois – pas qu’ils aient été très causants non plus – elle devait reconnaître que sa présence lui faisait du bien. En quelque sorte. Il avait une aura lumineuse à ses yeux. C’était beau. Et réconfortant. Même si elle savait qu’elle n’en avait pas le droit. Son frère ne passait pas tout son temps à l’atelier non plus, profitant d’instants romantiques auprès de sa belle, la jeune Lily. Charlie n’avait rien contre elle, appréciant le fait qu’elle rende Matthy heureux. Même l’usage du surnom qu’elle utilisait ne la faisait pas grogner, laissant la fille d’Aphrodite en user comme bon lui semble. Et après tout, qu’était-ce qu’un surnom, hum ? A dire vrai, tout ça ne l’intéressait plus vraiment. Peu de choses comptaient. Son frère… Sa moto… Elle appréciait sa sœur, mais ce n’était pas la même chose qu’avec Matthy. Comme elle appréciait Tobias, pour se réchauffer de temps à autre. Ou comme elle avait apprécié Nova avant que celle-ci ne s’en aille, il y quelque mois. Chose qu’elle n’avait toujours pas compris. Que s’était-il passé pour que son amie quitte la colonie ? Charlie n’en avait pas la moindre idée, mais des réponses, elle en aurait voulu. M’enfin… Elle n’était pas juge. Juste un peu inquiète. Et encore, sa relation aux sentiments avait nettement baissé. Alors comment elle se sentait en réalité… Bonne question.

Chiron lui avait parlé la veille. Comme quoi elle avait manqué trop d’entraînements, et qu’il était temps de redresser la barre. La jeune fille l’avait écouté respectueusement mais n’avait répondu que par monosyllabes. La nuit avait aidé à réfléchir aux mots prononcés par le centaure, et elle s’était décidé. Alors qu’elle avait bossé pendant des heures, et que le soleil s’était levé quelques temps auparavant, la fille d’Hépha avait pris le parti de rejoindre la zone d’escalade. Avec ses muscles, elle n’avait pas trop de difficulté à franchir les premiers mètres de hauteur. Ce n’était qu’en arrivant aux épreuves assez spéciales – pour le commun des mortels – qu’elle devait prendre garde. Le souci, c’est qu’elle doutait qu’une fille dans son état mental doive réellement grimper cette façade, remplies de dangers en tous genres. C’est vrai qu’elle avait choisi de revenir à la colonie, pour raison personnelle mais elle doutait toujours de rester en vie. Chaque jour qui passait la faisait douter. Elle avait bien essayé mais s’était rétractée. Parce que c’était trop facile en fin de compte. A ses yeux, elle devait souffrir. C’était probablement idiot pour quelques-uns. Mais… Tant pis ?

Ce n’est qu’en approchant de la zone visée que ses pensées se concentrèrent sur autre chose. Ou plus précisément, sur une silhouette. Une brunette grimpait le mur avec légèreté. Vaguement, la fille d’Hépha admira le fessier de la demoiselle avant de soupirer, parce que ça ne lui évoquait rien finalement. Comme quoi, elle n’avait plus le goût à rien. Distraitement, elle resta là, suivant l’ascension de la demoiselle qu’elle reconnut finalement comme étant Hailey, une fille de Nyx. Elle lui avait déjà adressé la parole auparavant sans pousser plus loin. Encore une fois, Charlie n’est pas des plus causantes, et c’est pas peu dire. Du coup, elle observait les capacités de la grecque, avant de froncer les sourcils. Laissant échapper un grognement quand elle comprit que quelque chose clochait, elle se précipita vers le mur et commença à grimper. Rapide, et agile, en même temps, elle était motivée. Quand elle remarqua que la demoiselle ne se tenait plus qu’à une main, son visage se ferma totalement, et elle la rejoignit, en diagonale, un peu plus bas. Juste où il fallait pour l’attraper par la taille, en se tenant également à une main. Grognant à nouveau parce que la réceptionner venait de tirer violemment sur son bras gauche, elle prit à peine deux secondes pour respirer. Charlie ramena Hailey contre elle, la plaçant entre son corps et le mur, et lui murmura de serrer ses jambes autour d’elle. Pas sûr que la fille l’entendait. Pas sûr non plus qu’elle pige quoi que ce soit en fait. C’était bien sa veine, bordel. Déglutissant parce que sa prise droite glissait un peu, elle utilisa sa main gauche pour placer les bras de la fille autour d’elle, et se cambra, usant de ses cuisses comme un siège. Tout en restant contre le mur. Pas la position la plus pratique qui soit, mais au moins, la gamine serait plus en sécurité. Et maintenant, sa main gauche pouvait rejoindre le mur elle aussi. Face à l’adversité qui s’annonçait, elle inspira et commença à descendre. Le truc, c’est qu’il fallait des petites prises, pour que la fille ne glisse pas. Ce fut à la fois rapide, et trop long. Mais elles arrivèrent enfin en bas. Charlie amena Hailey un peu plus loin, s’asseyant au sol pour poser la tête de la fille sur ses genoux. Grillant que les paupières bougeaient un peu, elle allait parler, quand les mots mourir sur ses lèvres. Qu’est-ce qu’elle devait dire au juste, hein ?

Et puis, ce ne fut pas nécessaire. Le temps qu’elle réfléchisse, la casse-cou avait ouvert la bouche, faisant froncer les sourcils de Charlie. « Hein ? » Et puis, elle pigea. La fille avait fait un malaise. Un malaise qui la poussait à ne pas vouloir en parler. Donc quelque chose de grave. Gardant la fille sur ses genoux, elle ne la quitta pas des yeux, froide et dure. « Qu’est-ce que tu as ? » La question ne souffrait aucun mensonge. Sachant instinctivement que Hailey ne voudrait rien dire, C. secoua la tête. « La vérité. » Et ajouta en la voyant esquisser un mouvement. « Tu ne bouges pas. » Croisa son regard pour lui montrer toute la fermeté de ses mots. « Ne m’oblige pas à te prendre dans mes bras, c’est pas mon truc. »

Ce n’est pas la mort qu’il faut craindre mais de jamais commencer à vivre réellement. Pourtant, ma citation préférée ne m’aidait pas du tout en ce moment-là. Bêtement à terre. Bêtement presque dans le cirage ou peut-être encore dans celui-ci. Bêtement avec une personne qui n’aurait jamais dû voir cela. Et combien d’autres pouvais-je ajouter à la liste hein ? Bien trop. Je devais me ressaisir. Je bataillais vainement, la force s’était barrée me laissant seule, sans défense, dans une position qui ne m’allait pas du tout. Je ne voulais pas rester là, prostrée à terre, comme une faible. Non cela ne pouvait pas se passer de cette manière. Je devais me relever et me tirer loin de cette fille. Déjà que je la remette en place. Charlie. Fille d’Héphaïstos. Sœur de Matt. Je me répétais cette phrase sans cesse dans ma tête.

En fait, je ressentais une telle fatigue dans tout mon être que des idées telles que dormir venait s’immiscer dans ma tête, après tout, j’étais bien là... Non ! Je me forçais à garder les yeux ouverts, à respirer, oui voilà il fallait que l’air vienne dire bonjour à mes poumons avant de repartir. Je devais rester tranquille et calme, le temps que ça passe, après je m’en irai sans plus de cérémonie. Allais-je tenir ce laps de temps ? Je n’en savais rien, parce que la présence de la brune me dérangeait. Je lui étais reconnaissante de m’avoir filé un coup de main, bien que je ne me souvienne pas vraiment de ce passage-là, mais c’était tout. Il n’y aurait pas d’effusions ou de je-ne-sais-quoi. Je devais m’en débarrasser avant que d’autres demi-dieux s’amassent pour voir le spectacle déprimant.

Pas question. Je réessayais en émettant un grognement de frustration, constatant que mes muscles se refusaient à tout effort - comme s’ils faisaient grèves. Ne me laissant à peine le temps de me reposer que je retentais de contracter mes abdos mais rien n’y faisait, seule une vague sensation de froid restait présente dans mon organisme, seule réponse à mes attentes. Je maudissais le monde entier à ce moment-là, en particulier ce cœur débile qui s’était décidé à foirer dès la naissance. Tu m’étonnes que mon père n’avait jamais voulu s’encombrer de moi. Je ne le regrettais pas mais j’avais honte de repenser à tous ces moments ou mon visage restait proche de la fenêtre, espérant, priant que la prochaine voiture serait celle de mon père ou de ma mère. Faiblesse stupide d’une gamine encore trop innocente. Je m’en voulais vraiment.

Mais là encore plus. Enfin non, pas à moi et mon besoin de liberté mais à ce foutue malformation qui avait failli me coûter la vie pour changer. Bordel. Je jetai un regard sur Charlie avant de fixer un autre point, pas du tout amusée par cette situation qui m’énervait au plus haut point. Je sentais ses yeux sur moi. Son regard me démangeait. Je me forçais à ne jamais croiser son regard. Ses questions. Évidemment, c’était logique qu’on allait y arriver. Je secouais la tête, regrettant aussitôt à cause des lancements dans ma tête super... « Laisse tomber, tu as fais ton petit show de sauvetage... » Je reprenais ma respiration, encore trop faible pour me barrer, bon sang, « Tu peux te barrer, Charlie. » J’essayais de ne pas mettre trop de hargne après tout, ce n’était pas de faute mais à cause de moi, de ma santé, il n’empêche que mon ton n’était pas de plus aimables.

Je tentais une explication « Un coup de fatigue. Ça va déjà m... » Et son ordre cingla. Bordel, chieuse en plus ? Bon ce n’est pas exactement le cas. Je ne sais pas ce que j’aurai fait si un crétin qui s’amusait à escalader le mur faisait un malaise. Je le sentais mal là. Elle avait l’air tenace la fille d’Héphaïstos. Je dressais un sourcil à ses paroles. « Je vais bien, c’est bon. Un coup de fatigue je te dis. » Ouais et expliquer pourquoi je ne parvenais pas à m’extraire d’elle, bah ça c’était une autre question qui méritait un éclaircissement. J’essayais de réveiller mes membres, mais les réponses c’était pas encore ça, quelques tressaillements. Bon sang, j’avais cette maudite impression d’être paralysée, sans force. Quel horreur. Mes yeux cherchèrent ceux de ma sauveuse. « Si je te remercie, tu t’en va ? » Un léger espoir peut-être dans ma voix.

Hailey ne lui avait jamais fait l’idée d’une fille qui ne mange pas suffisamment, ou qui ne dort pas le minimum syndical. Elle n’avait pas l’air de quelqu’un qui buvait de trop ou qui se droguait. Donc, en enlevant les raisons les plus banales pour qu’une jeune fille de son âge en vienne à faire un malaise en plein entrainement, que restait-il ? La santé. Tout simplement. Le seul souci, c’est que d’une, Charlie n’était pas médecin, et franchement loin de l’être. Okay, elle était apte à soigner un rhume ou les dents qui poussent, ou les maladies infantiles comme la varicelle, mais de là à faire quelque chose pour une fille qui s’évanouit… Pas vraiment. Et elle n’avait même pas de sucre sur elle. De deux, elles n’étaient pas proches. S’étaient croisées plusieurs fois, adressées la parole par la force des choses, mais les confidences ? Très peu pour elles. De trois ? Charlie n’en avait pas, mais en cherchant bien, elle pouvait toujours proposer le fait qu’elle savait instinctivement qu’être douce avec la gamine ne l’aiderait pas. Celle-ci s’était déjà fermée, avant même que la fille d’Hépha ne parle, comme si elle protégeait quelque chose. Un secret peut-être ? Char’ n’était pas finement psychologue, loin d’être quelqu’un à qui on se confie, même si elle était capable de garder le silence assez aisément d’ailleurs, et comprenait donc sans difficultés que la fille ne souhaite pas lui parler.

Ce qui était chiant, cependant, avec la progéniture du forgeron tenant la gamine entre ses bras, c’est qu’elle a un petit quelque chose de buté. Incroyable, non ? Surtout en sachant qu’elle était dans son monde la plupart du temps, clairement pas apte à se confier elle-même ou à s’intéresser à un domaine plus de quelques minutes. Mais là… Là, elle s’intéressait. Combien même Hailey râlerait en sachant cela, Charlie s’intéressait. Son attention était entièrement portée sur le corps si léger qui reposait contre elle, et elle passait ses yeux sombres sur la silhouette avachie, en quête d’un indice qui pourrait lui offrir davantage d’informations. Et puis, si elle devait attendre auprès de la fille pour avoir un début d’explication, elle pourrait souffler ses prochaines bougies, hein. De toute façon, Charlie n’aimait pas dépendre des autres, et de leur bon vouloir. Oui, elle était une sorte de force tranquille, qui ne cherchait aucunement les ennuis, mais elle avait son caractère. Et si Hailey ne voulait pas parler, elle obtiendrait ses réponses d’une façon ou d’une autre. A commencer, par les infos qu’elle pourrait glaner en observant son corps. Distraitement, alors que Hailey parlait, et que Charlie l’écoutait à moitié, cette dernière posa l’une de ses mains sur le front de la demoiselle, pour prendre sa température. Enregistrant qu’elle était un peu plus chaude que la normale, Charlie fit glisser son index et son majeur dans le cou de Hailey pour prendre son pouls. Ce qu’elle nota lui fit froncer les sourcils. « Rythme cardiaque élevé » Annonça-t-elle, en ignorant sciemment les propos tenus par la demoiselle.

« Non. » Non, si elle la remerciait, elle ne s’en irait pas. Parce que c’était sérieux. Elle le sentait réellement, dans toutes les fibres de son corps, et il était hors de question qu’elle la laisse seule. Hailey allait l’avoir sur le dos, jusqu’à ce qu’elle admette enfin qu’il y avait un problème. Ou qu’elles aillent chercher quelqu’un qui serait en mesure de lui venir en aide. « Soit, tu m’expliques ce qu’il y a, soit, je t’emmène à l’infirmerie. Et quelque chose me dit qu’ils ne sont pas forcément au courant. A moins que le fait de traverser toute la colonie dans mes bras ne suffise à attirer l’attention ? » Elle savait que Hailey allait la détester, mais elle s’en foutait. La vérité, c’est… Qu’elle était foutrement inquiète. Putain, cette gamine avait failli tomber, bon sang. S’écraser au sol, après un foutu entraînement ! Et sous ses yeux en plus ! Alors non, elle n’allait pas la laisser. Hors de question. Et s’il fallait la kidnapper dans ses bras, alors qu’elle détestait ça, et bien tant pis. Ce serait ainsi. Néanmoins, elle se rendait compte que ses propos pouvaient être durs, même si… Elle les pensait vraiment. Et elle se rendait également compte qu’au lieu de calmer la fille, cela pourrait avoir l’effet inverse. Avec elle, ça le serait en tout cas. Enfin, cela dépendrait de la personne qui la menacerait ainsi, en vérité. Mais l’idée était là. Hailey était obstinée, cela se voyait. Mais pas de chance pour elle, Charlie était tout autant une chieuse qu’elle. Se radoucissant quelque peu, elle inspira pour se calmer, parce que la colère n’était pas vraiment son fer de lance, bien au contraire. Et elle reprit la parole. Plus doucement. Sans aucune pitié. Non, elle ne cherchait pas à l’insulter avec ça. Mais elle était sincère. Pas habituée à être plus… Légère, plus tendre, et ce n’était pas véritablement ça non plus. Donc elle parla. Encore. « Hailey… Oui, bon, je connais ton prénom, ne sois pas surprise. » Marmonna-t-elle, une pointe d’humour un peu rustre dans la voix en faisant la moue, avant de se reprendre. « Je ne suis pas ton ennemie, contrairement à ce que tu sembles croire. Tu… Tu as failli t’écraser au sol, bon sang. Tu te rends compte des risques que tu encourais ? Est-ce que quelqu’un est au courant que ton corps peut te lâcher ? »

Je ne voulais pas qu’elle s’inquiète juste qu’elle parte qu’elle me laisse tranquille. Était-ce vraiment trop demandé ? Non, ils ne pouvaient pas savoir. Personne ne le devait. Je ne pourrais pas supporter d’être comme une personne en fin de vie, être brimée, enfermée, écartée de la moindre action. Je ne pourrais pas le supporter.

Je devais m’échapper de cette fille et au plus vite, l’empêcher de parler. Surtout l’en empêcher, ne pas émettre le moindre son sur ce qui venait de se passer devant ses yeux. Non, bon sang. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle soit là ? Visiblement, je serai morte ou légèrement en très mauvais état, si Charlie n’avait pas été là, certes. Mais cela ne changeait rien à rien. Non, elle ne devait pas se trouver là. Et pourtant... c’était bien elle que je voyais devant moi. Mais je ne désirais pas son aide. Je voulais juste qu’elle s’en aille. Ne comprenait-elle pas à quel point c’était dur de se sentir aussi misérable ? Pourquoi ne pouvais-je pas m’enfuir comme un animal blessé va se cacher pour mourir en paix, pour conserver son honneur, bordel !

Je maudissais cette foutue malformation qui dirigeait ma vie depuis toutes ces années. J’aurai sans doute dû mourir la première fois et maintenant on m’en voulait d’être en vie te presque en pleine forme, puisque j’étais plutôt pitoyable pour le moment sur les genoux de cette fille que je connaissais à peine. Nous n’étions pas amies. Juste des connaissances. Elle ne pouvait pas simplement se barrer et se dire qu’elle venait d’accomplir son devoir de bon samaritain, bien sûr que non. Elle n’allait pas me lâcher de sitôt, voilà ce que je me disais et cela m’énervait profondément. Je ne voulais pas dépendre d’elle. Mais, c’était inutile de protester pourtant je poussais mes muscles à agir, à m’aider à m’enfuir loin d’elle pour un long moment histoire qu’elle oublie complètement cette histoire dont elle n’aurait jamais dû en voir les conséquences. Mais pouvais-je vraiment lui échapper ? J’avais bien l’impression que non. Elle ne me lâcherait vraiment pas.

Comment conjuguer avec elle ? J’avais envie de trouver une solution même un chantage n’importe quoi qui puisse la faire disparaître de mon champ de vision même si j’appréciais le fait de ne pas me prendre le sol dans la face mais quand même. Alors que je tentais toujours de me débattre, je déglutissais. Qu’est-ce qu’elle foutait ? Oh ! Elle s’amusait à quoi à me tripoter. Je sifflais légèrement après sa constations, « Je vais très bien... » combien de fois devrais-je lui dire ces mots pour qu’elle abandonne toutes charges contre moi ? Il me semblait que toutes mes tentatives étaient inutiles. Surtout que je ne me sentais toujours patraque au moins, mes membres ne tremblaient pas encore quoique si je levais la main, je pense que ce serait le cas. Du coup, bouger serait stupide puisque ma faiblesse lui apparait d’autant plus. Je grognais intérieurement, incapable de trouver une solution.

« Il n’y a rien à expliquer. J’ai glissé, ça arrive non ? J’ai pas assez bu aujourd’hui donc j’ai fait un putain de malaise. » Bordel, cette fille croyait-elle vraiment que j’avais la laisser m’embarquer à l’infirmerie, non mais oh, elle ne savait pas à qui elle s’adressait ou quoi. « Fous-moi la paix, Charlie. » Je me redressais en grimaçant légèrement, mais même si mes abdos me tiraient follement ainsi que mes côtés, j’étais capable de tenir plus ou moins assise sans trop trembler en prenant appui sur le sol. Je soupirais fortement, elle était sérieuse là ? « Je suis au courant, tu vois et ça suffit. Lâche l’affaire, cette histoire ne te concerne pas. » Je ne pouvais pas lui dire, même si elle inquiétait ou quoique ce soit que je parvenais à lire dans son regard. Non, je ne pouvais tout simplement pas lui dire, mon secret ne devait pas être révélé. Je haussais les épaules. « C’est rien, ça arrive ce genre de choses. » ce qui n’était faux sauf qu’en principe les gens ne font pas des crises cardiaques sur demande, bref un détail.

Tenir quelqu’un dans ses bras, ce n’ets pas quelque chose que Charlie fait toutes les semaines, voyez-vous. Pas même tous les mois. Surtout pas depuis qu’elle est revenue. Bon, il faut bien reconnaitre que durant sa présence lors des étés passés, elle ne s’est guère montrée plus tactile qu’aujourd’hui, mais la réticence était moindre. Elle s’en foutait, un peu voilà tout. Et si au jour d’aujourd’hui, elle affichait en permanence, un air vide et blasé, elle avait développé cette conscience aigüe de la présence des gens dans son périmètre, à croire qu’elle avait besoin d’être pleinement consciente des possibles dommages collatéraux si jamais elle pétait un plomb. Histoire de ne pas tuer plus de monde que permis. Hum. Alors oui, sentir la présence d’un petit corps contre ses genoux, un de ses bras passé autour de lui pour le retenir – pour la retenir – ce n’était clairement pas banal. Hailey ne s’en rendait pas compte, évidemment, pas dans son état tout du moins, voire pas du tout en fait. Surtout qu’elles n’étaient pas amies et que Hailey devait se foutre royalement de la vie, ou des réflexes corporels de la garagiste. Soit. Le fait étant que Char’ tenait fermement la demoiselle contre elle, et que son regard ne la quittait pas. Lorsque la fille des Ombres avança ses pseudos excuses plus bidons tu meurs, et qu’elle semblait réellement penser que Charlie allait les gober, cette dernière dû bien reconnaitre qu’elle se sentit un tantinet vexée. Et parce qu’elle n’aime pas vraiment ressentir cette impression, il lui semblait normal d’agir en conséquence. Oh et parce qu’elle a vécu des années auprès de gamins de tous types, suffisamment récalcitrants pour que s’arracher les cheveux de la tête, Ch arlie choisit d’agir à sa manière. Enjoy.

« Si elle ne me concerne pas, c’est qu’il y en a une. Et vois-tu, je ne suis pas du genre à épargner à un sol de se recouvrir de cervelle pour rien. » Et sans attendre, de toute façon même si elle s’était montrée lente, vu la tête de la fillette, elle aurait pu la rattraper en moins de deux, donc ouais sans attendre mais sans se presser non plus, Charlie s’approcha d’elle, se pencha et la choppa par les jambes pour la soulever en mode sac à patates. Une fois ceci-fait, elle commença tranquillement à marcher, faisant clairement fi des cris, des insultes, des coups, des griffes, ou des jérémiades de la demoiselle. « Je suis fille d’Héphaïstos, t’es au courant que ma peau est plus solide que la tienne ? Oh et tu peux crier, tu vas juste attirer davantage l’attention. » Okay, elle avait la peau solide mais ça n’empêchait pas une longue brûlure de parcourir la moitié de son ventre et de son dos. Pas plus mal qu’elle n’aille pas se baigner, tiens. Se baigner… Oh oh. Idée.

Elle l’avait menacé et Hailey avait menti. Tant pis. Elle aurait dû en prendre compte et accorder de l’importance à ses propos au lieu de gâcher son énergie à mentir. Peut-être que Hailey avait pris l’habitude d’agir ainsi, peut-être qu’elle ne voulait pas que les gens s’inquiètent ou un truc dans le genre, mais une des choses que la mécano a eu le temps d’apprendre, c’est que lorsqu’il y a quelque chose de suffisamment gros pour que ça mette notre vie en danger, il est vitale d’en avertir quelqu’un. Comme un filet de secours. Charlie ne cherchait pas à ce que Hailey se confie à elle, franchement, elle était clairement mal placée pour ça, mais la jeune fille s’était royalement foutue de sa tronche en ignorant ses mots. Et ça, ben, Char’ elle aimait moyen. Comment ça, on peut être outré qu’elle agisse pour de telles raisons ? Mouais, pas faux. En même temps, la fille d’Hépha n’était pas un enfant de cœur. Plutôt une libre penseuse qui se fout un peu de tout, et qui, malheureusement pour Hailey, possède un instinct bien plus protecteur qu’il n’y parait de prime abord. Pas d’pot, hein ?

Traversant la colo sur une centaine de mètres, avec son paquet sur le dos qui continuait à bouger, Charlie se pencha pour attraper un pot de fleurs, jeta celles-ci au sol, et reprit son chemin comme si de rien n’était. Croisant quelques demi-dieux, elle haussa les épaules – si si, elle en est encore capable – et donna une petite tape sur les fesses de la demoiselle. « On a fait un pari, elle a perdu. » Acquiesçant, et riant un peu à ses paroles, les pensionnaires continuèrent leurs activités sans se poser davantage de questions. Charlie suivit le parfum iodé qu’elle connaissait bien à présent, et rejoignit la plage de la colonie, admirant le reflet des rayons de soleil sur l’étendue bleutée. Distraitement, elle lui tourna le dos, pour présenter la vue à Hailey, et la secoua un peu. « Joli hein ? Viens, on va la voir de plus près. » La demoiselle devait être épuisée maintenant, ayant été trimballée sans ménagement aucun sur un grand espace. Tant pis, encore une fois. Charlie aurait pu éprouver du remord, mais elle avait une réelle idée en tête. Avançant vers la mer sans marquer d’hésitation, elle se déchaussa rapidement, et entra dans l’eau. Lorsqu’elle fut assez loin pour que les mèches rebelles de Hailey effleure la surface, elle reprit la jeune fille dans ses bras sans la lâcher. « Ne crie pas… Hailey… » gronda Charlie avant de soupirer et de lui envoyer une petite vague d’eau salée dans la tronche. « Mieux. » Là, elle posa la grecque au sol, gardant son bras autour d’elle le temps qu’elle se stabilise, et fit enfin un pas en arrière, se plaçant entre la plage et elle. Puis, elle lui tendit le vase. « Hurle dedans. » Déclara-t-elle simplement, sans expression. « C’est une boite à cris. »

Elle ne pouvait pas partir. Non, la fille d’Héphaïstos s’était visiblement décidée à faire de moi sa cause, sa bonne action de la journée. Bordel. Pourquoi la brune agissait-elle comme ça hein ? Les gens se cassent après avoir relevé une personne. Ben elle non. Je veux bien que niveau mensonges on pouvait clairement faire mieux que ma personne, mais ne pouvait-elle pas faire semblant d’y croire au moins ? C’aurait été vraiment sympa de sa part. Un petit effort quoi, allez lève-toi et ferme les yeux et trace jusqu’à la forge. Bon je vais arrêter de rêver à ce qui n’arrivera pas, trop déterminée, et moi je manquai cruellement de patience en ce moment parce que mon corps et le destin se foutaient royalement de ma gueule depuis trop longtemps, en plus devant la jeune femme brune. Je n’aimais pas ce genre de situation.

Déjà rien que le mot contact avec une personne me donnait des envies de nausées. Je détestais qu’on s’approche de trop près, ni même à l’aise avec l’idée que cela se fasse. Enfin, c’est bien vu de loin, le reste je m’en passe. Alors que cette fille me prenne pour son mannequin d’entrainement pour être un bon samaritain, ça va aller merci. Le plus agaçant dans cette c’est qu’au final j’étais assez intelligente et possédais assez de matière grise pour comprendre que j’étais à la merci de Charlie. Je ne pouvais rien faire, car je n’en avais pas la force. La crise avait violente. Pas seulement un petit vertige passager ou le cœur qui s’emballe sans raison. Je n’étais pas en mesure de protester physiquement parlant à part en lui jetant des regards noirs, ce que je ne manquais pas de faire. Malgré ses possibles bonnes intentions, elle allait payer tout ça. Je grognai d’autant plus quand elle eut la bonne idée de me soulever dans ses bras, sérieusement.

« Lâche-moi bordel ! » s’en suivant d’autres joyeuseries qui me venaient par la tête, un sacré paquet pour vous dire. C’était quoi son délire ? Elle n’avait pas le doit de m’humilier de cette façon parce qu’elle pensait faire sa bonne action. Merde à la fin, j’avais bien le droit de rester par terre si je le voulais. Je ne voulais pas de son aide et encore moins de sa putain de balade de merde. Au bout d’un certain temps, je m’avouai complètement vaincue. A mon grand désespoir, j’étais trop faible et lasse pour continuer ce petit combat complètement con face à cette folle. Elle avait l’air de bien s’amuser en plus, quelle garce. Pour peu que mon talent était de posséder des crocs acérés, je n’aurai pas hésiter à mordre violemment la fille d’Héphaïstos qui se foutait royalement de ma gueule et comme on s’en doute, j’ai horreur qu’on me prenne pour une conne.

D’autant plus quand je ne peux pas répliquer. Donc là, c’était vraiment la cerise sur le gâteau. « Attends que j’aille mieux... » la menaçai-je et je le pensais, je me vengerai d’une manière ou d’une autre. Personne ne me traitait de cette façon, faible ou non. La plage ? Non mais sérieusement, ils respiraient quoi comme saloperies les gosses d’Héphaïstos. Complètement flippant. « Je vais te tuer, Charlie, compte sur moi. » grognais-je clairement en réponse à ses paroles et à ses actions qui m’enflammaient encore plus.

Quelle chance pour elle que je ne pouvais maitriser mon pouvoir et que j’étais trop faible pour l’utiliser. Mon regard trouva le sien, fou de rage et plutôt pas mal pour une nana qui tenait juste-juste sur ses pieds sans s’éclater. Fronçant les sourcils, je secouai la tête en articulant pour qu’elle capte bien « Pas QUESTION. Tu t’es bien amusée ? » Putain j’ai pas besoin de toi et tes conneries voilà ce que ça voulait dire. « J’vois même pas pourquoi je devrais te parler. J’te connais pas. Tu ne me connais pas. J’ai rien à te dire ni même à ton putain de pot de fleurs. » Elle m’agaçait en puissance, alors oui ma colère pouvait se mettre à atteindre des plafonds encore inexploré parce que je commençais en avoir marre, si mon malaise n’avait pas suffit, le reste faisait parfaitement l’affaire pour me mettre hors de moi.

Ne lâchant pas son regard, j’ajoutai « Et puis, tu t’amuse à vouloir résoudre le problème des gens mais pourquoi tu ne t’occuperais pas du tiens hein ? » Je croisai les bras, de manière puérile certes, mais après tout, c’est vrai. Elle se mêlait de mes affaires mais les siennes avaient l’air déjà plus complexes. En tant que personne se forçant à être à l’écart, j’avais bien remarqué que Charlie ne passait pas beaucoup de temps avec les autres. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il y avait sûrement un problème chez la jeune femme. « Si je prends le vase, je te balance dans la figure. Tu ferais mieux de le garder. » déclarai-je en grommelant. D’accord j’avais des problèmes. Mais je n’avais pas envie d’en parler. On n’a rien sans rien. Qu’est-ce qui me prouvait qu’elle n’irait pas tout balancer aux autres, hein, rien. Alors la confiance de la part d’une miss qui se plaisait à vous inonder la figure, ben ça se prouve autrement.

L’eau était clairement froide. Tendant son pot de fleurs à présent vide devant elle, pour que Hailey le prenne, Charlie n’émettait rien du tout. Aucune expression sur son visage, si ce n’est que son esprit restait figé sur la case température, depuis qu’elles étaient entrées dans l’eau. Les vêtements collaient à la peau, et à chaque vague, elles avaient le droit de se souvenir qu’elles se trouvaient à la mer. Charlie savait que ce qu’elle était en train de faire était mal, mais elle tournait clairement le dos à ce constat pour continuer sur sa lancée. Elle ne cherchait pas à faire une bonne action ou une connerie de ce genre. Déjà parce que c’était pas son truc, ensuite parce qu’elle ne connaissait pas Hailey et qu’elle n’était pas responsable d’elle ni de loin ni de près, et pour terminer, parce qu’elle n’avait aucun droit de faire ça. Charlie était tellement loin d’être une héroïne, ou ne serait-ce qu’une fille bien pour commencer, qu’elle n’imaginait pas du tout ce genre de scénarios. C’était plutôt les gens comme Quinn, ou même Lily qui s’occupaient des histoires des autres, de les écouter, de les rassurer et tout le tralala. Elle, franchement, elle n’était pas connue pour ça. Déjà, soyons sérieux, elle n’était pas connue du tout. Comme ça, ça résumait la situation. Mais en somme, l’idée était là. Charlie n’agissait pas par altruisme ou toutes ces autres conneries. Surtout qu’elle ne savait même pas comment les altruistes devaient agir, alors c’est pour dire.

Là, devant elle, en train de fulminer, se trouvait une Hailey verte de rage. Enfin, vert clair, parce que la jeune fille était tout de même bien fatiguée. Cela se voyait à son visage, au teint de sa peau, et aux rides sous ses yeux. Charlie n’était pas certaine que la fille de Nyx dormait bien suffisamment, mais là encore, ça ne la regardait pas. « Je ne fais pas ça pour m’amuser. » C’était vrai. Parce que l’amusement, ça faisait des mois qu’elle avait fait une croix dessus, et son air mortellement sérieux le confirmerait bien à la jeune femme si celle-ci ne croyait pas en ses mots. Charlie ne savait pas trop pourquoi elle l’avait amené là, en vérité. Dans son esprit, cela avait semblé être la chose à faire. Et encore, quelque chose lui disait que c’était plutôt son corps qui avait agi sans même consulter le cerveau. Elle ne cherchait même pas à lui donner une leçon ou un bidule dans le même style, mais voilà, elle avait parlé, elle se tenait droite devant elle, et elle la fixait sans rien éprouver si ce n’est le froid qui était en train de geler son corps, à mesure que les secondes s’égrenaient.

« J’t’ai pas demandé de me parler. Qui te dit que j’en ai envie d’ailleurs ? T’as des amis pour ça. Moi, je suis juste la débile qui t’a empêché de t’écraser au sol et qui a récolté des secs ‘’N’en parle jamais’’, ou attends… ‘’Tu peux te barrer, Charlie.’’ T’as toujours pour habitude de parler aux autres comme à des chiens ou c’est juste pour moi ? T’étonne pas après que je ne sois pas un ange non plus. » Un léger sourire en coin vint étirer ses lèvres, avant d’ajouter : « Ne toute façon, je ne suis pas un ange, tout court. » Le sourire déserta ses lèvres aussi vite qu’il est venu parce que Hailey venait de parler. Le regard de Charlie se durcit nettement, et le ton de sa voix se fit plus sec, et sombre. « Où t’as vu que je voulais régler tes problèmes ? T’es assez grande pour ça, et comme tu l’as si bien dit, je ne te connais pas. » Elle recula d’un pas, le visage un peu plus calme, parce qu’elle avait senti ses mains chauffer malgré elle. « Mon problème ne pourra jamais être réglé, le tien a l’air d’avoir plusieurs issues possibles. » La voix était légèrement plus sereine, le ton habituellement tranquille et elle s’offrit même le luxe de croiser les bras. Charlie non plus n’avait pas envie que l’on découvre ses problèmes, ses cauchemars, ce qui la tourmentait et lui donnait envie de crever. Alors elle ne pouvait pas reprocher Hailey de vouloir garder secret ce qui lui faisait du mal ainsi.

Soupirant légèrement devant la menace de Hailey, la terrible menace du vase, Charlie secoua doucement la tête, avant d’ancrer son regard au sien fermement. Elle ne voulait pas la mettre au pied du mur, ou même, lui faire perdre son temps, mais il fallait bien reconnaitre qu’elle n’avait pas franchement été très agréable avec elle. Alors nous dirons que c’était un genre de punitions, voilà tout. Et tant pis si Hailey n’était pas contente. Elle ne l’était déjà pas très souvent à la base. Sans compter qu’elle oublierait bien vite cette altercation. « Alors lance-le, pour ce que j’en ai à faire. » Là encore, elle était sérieuse. Un vase ou deux dans la tronche, c’est pas ça qui va lui changer la vie. Et qu’elle se venge si elle veut, Charlie n’en avait sérieusement que faire. Aucune blessure qu’on pourrait lui causer ne serait pire que ce qu’elle éprouve déjà, chaque jour qui passe.

« Okay très bien, je te remercie de m’avoir empêché de m’aplatir comme une crêpe. » lui lançais-je rapidement, détestant déjà devoir quelque chose à quelqu’un et voilà que c’était à cette fille qui ne se gênait absolument pas du tout. Oui il faut avouer que ce n’était pas non plus la mer à boire de la remercier de m’avoir sauver la vie, mais tout de même, c’était un pas à faire. Et rien que de penser que maintenant qu’elle était au courant il y avait un grand risque pour la rumeur se propage jusqu’aux oreilles de Chiron, ça ne m’enchantait pas du tout. Il suffisait que Lily l’apprenne et me fasse ma fête pour ne jamais lui en avoir parlé. Oh bon sang, elle me tuerait à coup sûr.

Rageusement je n’hésitais pas à rétorquer, les yeux toujours empreint de colère alors que mon esprit se refusait d’admettre la moindre faiblesse « Tu voulais quoi ? Que je t’invite pour un dîner aux chandelles dans le bungalow Nyx pour te remercier, c’est ça ? » croisant les bras je secouai la tête, « Compte pas sur moi. Et tu n’as pas intérêt à en parler. » Elle n’en avait vraiment pas le droit. Elle ne pouvait pas faire ça. Je ne la connaissais pas suffisamment pour savoir si elle en était capable. Bien sûr je pouvais pas faire comme dans les films et l’éliminer, ouais pas sûr que ce soit vraiment mon trip. Mais si elle le faisait je serai très, très mal et s’en serait terminé de ma vie tranquille qui me permettait au moins d’oublier de temps en temps que je pouvais devenir une loque en cinq minutes.

« A ton avis la sauveuse, pourquoi est-ce que je ne veux pas que tu en parles ? Tu crois réellement que j’en ai parlé aux autres ? Personne n’est au courant. » Elle se prenait pour qui elle ? Franchement, elle osait me dire que je parlais aux autres comme à des chiens et elle alors ? Oh bordel, sérieusement moi qui pensais avoir de l’égo et ben.  Lasse d’être sur la défensive avec cette mini furie, je lâchai froidement. « Alors tu devrais peut-être commencer à régler le tien au lieu de jouer la baby-sitter flippante. » J’attrapais son putain de vase pour le balancer plus loin avant de la fixer me retenant à grand peine de ne pas la frapper. Heureusement d’ailleurs que je serai incapable de soulever des poids, alors frapper quelqu’un ça risquait d’être ridicule. Il me fallait déjà me concentrer pour tenir debout.« Tu sais quoi Keystone ? Je ne connais rien de toi. Et tu ne connais rien de moi. Alors si tu pouvais éviter de tenter de me lancer sur le débat ma vie est plus merdique que la tienne, j’apprécierais vraiment. Maintenant si ça ne te fait rien j’aimerais vraiment changer de paysage. » Sous-entendu dégage de là et laisse moi passer. Je me fichais royalement de savoir qu’est-ce qui pouvait bien faire que cette fille se comportait en ermite.

Ok, j’étais capable d’être reconnaissante qu’elle m’ait sauvé la vie, mais il y a des limites à ne pas dépasser. Et elle venait de toutes les dépasser. Qu’avait-elle à se plaindre, sa santé semblait bonne et pourtant on dirait qu’elle n’en avait plus rien à foutre de rien. Qu’importe. Ses problèmes me ne regardaient nullement. J’avais conscience de ne pas être la fille la plus agréable du monde mais cette fille d’Héphaïstos n’en était pas en reste. Elle pouvait bien gagner cette manche mais à coup sûr si elle parlait ça finirait très mal. J’avançais de quelques pas prudents vers elle, non pas que j’avais peur de sa réaction mais plutôt de celle de mon corps qui commençait à reprendre des forces cependant, je commençais à rêver de m’allonger et ne plus bouger attendant que tout cela passe avant de me relever pour éviter la nuit.

« Oh et tu sais, je pense pas que je vais t’apprendre quelque chose mais parfois les problèmes ne se règlent jamais mais c’est la vie. C’est con hein ? Mais t’as le choix soit tu te laisser crever, ou alors tu continues à avancer et tu relève la tête parce que je peux t’assurer qu’on trouve toujours pire et que parfois on ne peut simplement rien n'y faire.  » Sur ce, je poursuivais mon chemin, passant à côté d’elle en rejoignant péniblement la plage. Sans me tourner vers elle, « De toutes manières, on va tous crever un jour ou l’autre », arrivant à la plage première étape de mon périple qui risquait d’être vraiment long jusqu’à mon lit, bordel quelle idée de bouger autant... ouais on va tous crever un jour ou alors on va crever plusieurs fois jusqu’à que ce soit la définitive. Et ce n’était pas ce jour-là apparemment. Est-ce que c’était une bonne chose ? Aucune idée. Quant à miss j'aime l'eau, il faudra bien qu’elle se bouge les fesses un jour. Au moins cette petite conversation expliquait son comportement à la colonie d'ailleurs tout cela serait à méditer à tête reposée. Oh c'est sûr qu'on risquait de devenir les plus grandes copines du monde toutes les deux.

Une brise passa près d’elles, les frigorifiant toutes les deux, alors qu’elles se faisaient toujours face. Charlie venait de parler, plus que d’accoutumée d’ailleurs, et rien de ce qu’elle avait pu dire ne s’associait de près ou de loin au mot charmant. Cela n’était guère étonnant. Ce n’était pas un qualificatif qui sied à la fille d’Héphaïstos, bien au contraire d’ailleurs. Entre ses habituels débardeurs oranges ou noirs, ses jeans troués ou plein de cambouis, et ses mèches folles, on ne peut pas dire qu’elle était l’archétype de la jolie demoiselle. Sexy pour certains, complètement folle pour la plupart, elle n’avait que faire de l’avis que l’on pouvait avoir à son encontre. Donc, le regard noir que lui lançait continuellement Hailey, ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Si, à la rigueur, ça la gelait, mais ça, c’était probablement dû à la température de la mer plus qu’autre chose. Du coup, elles se trouvaient toujours là toutes les deux, Charlie attendant les répliques de Hailey qui n’allaient pas tarder à venir selon elle. Après tout, elle-même n’y avait pas été de main morte et du peu qu’elle connaissait de la jeune fille, on ne peut pas vraiment dire qu’elle soit du genre à garder sa langue dans sa poche. Pas grave, Charlie n’en ferait pas grand cas.

Un diner ? Quelque chose disait à Charlie que la demoiselle ne devait pas savoir faire la cuisine, ou qu’elle devait tout laisser cramer et que ça devait la rendre encore plus colérique qu’elle pouvait l’être déjà. Un léger sourire flotta sur ses lèvres à cette pensée, avant qu’elle ne le fasse disparaitre, sous peine que Hailey le prenne pour elle. Sans compter qu’elle n’avait pas fini de répondre et que Charlie était impatiente de découvrir la suite de ses répliques. Gardant les bras serrés, peut-être plus pour se réchauffer sous le couvert de faire sérieuse que d’être sérieuse véritablement, elle se demandait si elle allait le recevoir le pot de fleurs ou pas. A coup sûr, ce ne serait pas très agréable, mais elle l’aurait probablement mérité. Et bon, si ça soulageait Hailey, elle ne dirait rien pour cette fois. Mais qu’elle ne reprenne plus la jeune fille à lui parler sur ce ton revêche et désagréable à l’avenir. Parce qu’elle n’était pas son amie, certes, mais même à un inconnu qui vient de vous empêcher de vous écraser, on opte pour un minimum de gentillesse. Manque de pot pour Hailey, il avait fallu qu’elle tombe sur une chieuse comme Charlie qui, ce jour-là, devait être moins bien lunée encore que d’habitude. Comme quoi, il y a des jours comme ça…

Que personne ne soit au courant, ça, Charlie s’en était un peu doutée tout de même, hein. Le ton plus que sauvage, et les ordres de ne rien dire, de n’en parler à personne, ça suffisait amplement à se faire une petite idée de la situation. Et alors quand elle avait menacé d’aller à l’infirmerie, alors là, ça avait été le pompom. Malheureusement, il faudrait bien qu’un jour, Hailey fasse quelque chose. Parce que si Charlie respectait la vie privée, et laissait les gens faire leurs propres choix, il n’en était pas de même pour tout le monde, et ça ne l’étonnerait pas qu’un jour, la demoiselle finisse par le dire à quelqu’un qui ne verra pas les choses du même œil. Ce jour-là, son secret sera probablement ébruitée, Hailey très en colère, et tous ceux qui tiennent à elle seront soit dans le même état, soit, hyper inquiet. Voire les deux, tout simplement. Soupirant légèrement à cette pensée, Charlie se répéta qu’elle n’avait pas à intervenir, que ça ne la regardait pas, et que cette fille était assez grande pour faire ses propres choix. C’est ce qu’elle lui avait d’ailleurs dit et qu’elle réitérait silencieusement, un peu pour se convaincre elle-même en fait. Attentive à ses paroles, elle la laissa parler de nouveau, même si elle commençait à se dire qu’elle devrait faire de longues phrases ensuite, en se souvenant de tout, et que bon… Ouais, ça ne serait pas facile. Surtout pour une fille comme elle.

Baby sitter flippante. Charlie haussa un sourcil sceptique, un peu moqueur, mais n’ajouta rien. Ensuite vint le moment sur le fait qu’elles ne connaissaient rien l’une de l’autre, ce à quoi elle se contenta d’acquiescer brièvement, sans brusquerie. Quand Hailey s’avança de quelques pas vers elle, Charlie sentit son regard s’étrécir alors qu’elle surveillait ses gestes, se foutant d’être discrète ou non. Parfois les problèmes… ne se règlent jamais. Charlie était restée sur ces paroles alors que la fille de Nyx passait à côté d’elle pour rejoindre la plage, et qu’elle, elle la suivait distraitement des yeux. Les problèmes ne se règlent jamais ? Elle ne croyait pas si bien dire cette brune. Et bien sûr qu’il existe toujours pire, elle en avait conscience. Pourtant, même si cette phrase, elle l’avait souvent utilisé, à présent, elle avait dû mal à trouver pire. C’était peut-être bien égoïste oui, de toutes façons, elle était égoïste, mais voilà, elle ne parvenait plus à user de cet adage avec cette facilité qu’elle avait eu autrefois. Parce que les choses avaient changé, parce que rien n’était pareil, et parce qu’elle-même, elle avait trop changé pour que ça ait encore une consonance dans son esprit.

Doucement, elle se ramena sur la plage, les vêtements complètement gelés lui collant à la peau et la frigorifiant sur place, au moindre vent taquin. Elle se lécha les lèvres, goutant à la note salée de l’air et de la mer, avant de regarder vers le ciel et d’y chercher n’importe quoi, un signe, un truc, une idée. Mais il n’y avait rien, elle n’avait jamais rien vu là-dedans de toutes façons. Baissant la tête pour observer Hailey, elle la détailla du regard un instant. Avant de marcher sur quelques pas pour rejoindre sa hauteur, sans rien dire. Probablement que la jeune fille allait fulminer, ça ne l’étonnerait guère pour ce qu’elle avait vu d’elle jusqu’à présent. Mais tant pis, Charlie préférait remonter la pente jusqu’à la colonie à ses côtés, en fermant sa gueule s’il le faut. Néanmoins, une phrase avait retenu son attention quelques instants plus tôt, et elle se sentit de la répéter presque comme dans un murmure inconscient : « Ouais… On va tous crever un jour ou l’autre. » C’était vrai. Pour certains, ça venait juste plus rapidement que pour d’autres.