Atomes crochus feat. Colress

Lysandre était assis à une des grandes tables du pavillon sous lequel ils prenaient leurs repas quotidiens. Tous les campeurs étaient présents sans exception, ce qui faisait quand même plusieurs têtes. Pourtant, Lysandre les reconnaissait tous... sauf quelques nouveaux fraîchement débarqués. Dans ceux-là, il n’avait pour le moment réellement fait la rencontre que de celui qui semblait être le plus jeune. Une apparence juvénile qui ne trahissait pas ses presque dix-sept ans. Alors peut-être que finalement, Reid n’était pas le plus jeune de ce tout nouveau débarquement, qui sait. Dans un soupir, Lys en revient à son assiette. Autour de lui, ça bavardait joyeusement. Lui n’avait juste pas le coeur à ça, présentement. C’était comme ça, parfois. D’humeur plus qu’inégale, il avait ses bons moments... et ses moins bons. Et là, c’était décidément un moins bon. Un copain avait essayé de lui adresser la parole quelques secondes plus tôt pour se faire envoyer sèchement mourir. Ça expliquait donc les quelques sièges libres autour de lui.

Toutefois, quelqu’un ne semble pas avoir le même instinct de préservation que ceux qui le connaissent si bien. Lysandre prend une bouchée de pommes de terre en purée, avale lentement... puis réalisant qu’on le fixait, il relève lentement la tête vers le nouveau venu. Nouveau venu qui s’était installé sur la chaise laissée libre pile en face de lui. Pendant quelques secondes, le Québécois d’origine ne dit absolument rien, se contentant de détailler le jeune homme. Un des nouveaux arrivants, sans aucun doute possible ,car son visage ne lui disait rien qui vaille. Automatiquement, son regard va jusqu’à Mael, mais il en revient rapidement à l’autre là, dont il ne connaissait pas encore le nom, ni même le prénom. Il devait avoir son âge, celui-là. Châtain foncé, un teint clair, de jolis yeux bruns expressifs... Quelques filles se retournaient déjà sur lui en gloussant et on ne se demandait pas trop pourquoi.

Il avait quand même du cran pour s’inviter à une table de deuxième année comme ça, fallait lui donner ça. Lysandre passe lentement sa langue contre sa lèvre inférieure, tic dont il avait du mal à se défaire... quoi qu’il n’ait jamais essayé, alors on ne pouvait probablement pas parler de difficulté.

« Salut. », démarre tout simplement le jeune homme, façon la plus simple du monde de commencer une conversation et qui ne promettait pas non plus des trésors d’intérêt... Mais bon, c’était pas lui qui s’était invité auprès de ce type, hein ! « T’es perdu ? »

Il y a quelques rires qui fusent autour d’eux. Visiblement, on était plutôt attentif à leur discussion. Lysandre a néanmoins un petit regard agacé pour les pies qui les dévisageaient et finalement, ça retourne plus ou moins à leur conversation initiale. De toute façon, en quoi était-ce vraiment intéressant pour les gossip girls confirmées, hein ? Ce n’est pas comme s’il se passait quelque chose de réellement captivant !

« Ils sont pas intéressants, ceux qui sont arrivés en même temps que toi ? », demande finalement Lysandre, un petit sourire en coin un brin narquois apparaissant sur ses lèvres. Il a un petit regard pour quelques autres garçons et filles qui étaient arrivés plus ou moins en même temps que le jeune homme à qui il parlait présentement. Généralement, ça créait des groupes d’amis de cette façon. Du moins, au tout début. « T’es le fils de qui exactement ? »

Pas le sujet préféré des demi-dieux, généralement... mais la question était posée un jour ou l’autre alors aussi bien le faire immédiatement, non ? Et puis, malgré tout, Lys était toujours curieux de savoir à qui il s’adressait. Il tend la main, histoire d’attraper son verre de jus... mais un faux mouvement le lui fait renverser et il jure... cette fois en français. Automatiquement, sous un coup de pression, c’est la langue qui revenait, forcément. Sa langue maternelle, celle qui l’avait bercée de douces comptines lorsqu’il était encore haut comme trois pommes. Mais présentement, il l’utilisait d’une façon fleurie qui faisait honneur à la rage qu’on prêtait à sa mère ! La mèche courte ? Carrément trop...

Eh bien, ce garçon ne semblait pas nécessairement impressionné, malgré l’attitude grognonne de Lysandre et c’était tout à son avantage. Il gagnait même quelques points de cette façon auprès du Canadien, il faut l’admettre. Et il ne cache pas non plus ses origines divines, n’en ayant vraisemblablement pas honte le moins du monde. Ce n’était pas le cas de tout le monde ici, lui compris. Il était grognon quand venait le temps de parler de Némésis. Fermé, si ce n’est pour nommer sa mère sans plus. Bref... Éros... Forcément, Lysandre fait automatiquement le lien avec Cupidon. Même combat, on va se le dire tout de suite ! Alors il pense à un bébé en couche... et là, c’est plus fort que lui : il rigole. Pas le même trip que les gens autour d’eux, visiblement... Mais peu importe. Il était marginal, il faut croire ! Il se fiche un peu de passer pour un illuminé aux yeux de Colress, mais la pensée était quand même vachement bonne. Trop bonne pour ne pas être partagée !

« Il ne doit pas être enchanté par la représentation moderne qu’on en a... », déclare simplement Lysandre, un petit sourire amusé, voire un peu moqueur peint sur les lèvres. Oh aller, ça ne faisait de mal à personne... Et puis, Colress avait semblé si fier de ses origines pendant quelques instants ou du moins, de l’effet que ça avait provoqué autour d’eux, qu’il prenait un malin plaisir à lui ramener les pieds sur Terre ! La question qui suit était probablement naturelle et même si elle se posait peu, Lys n’a pas vraiment de scrupules à ne pas la garder pour lui. « Tu as un don lié à l’amour ? Tu dois faire fureur à la St-Valentin. »

De son côté, Colress ne semble pas le moins du monde s’intéresser à son propre prénom ou à ses origines. Et même si Lys déteste parler de sa mère, il n’en reste pas moins que ça le vexe un peu qu’on s’intéresse si peu au minimum à son prénom ! C’était la moindre des politesses, non ? Alors il se renfrogne davantage. Il n’y a que le fait que Colress n’est pas de francophone que le nom de famille qui éveille finalement sa curiosité et le rend un peu moins morose. Un autre Québécois, donc ? C’était quand même amusant. Il n’avait clairement pas le même accent que lui. De quelle région pouvait-il bien venir ? Cette fois, Lysandre garde sa question pour lui, n’ayant pas envie de montrer qu’il s’intéressait au jeune homme. Surtout si c’était pour se mériter un intérêt digne du néant de son côté. Mais cette fois, Colress le prend de vitesse... d’une façon bizarre à ses yeux, toutefois !

« Heu... je pense qu’on peut se tutoyer. », assure le jeune homme, un peu perturbé par le vouvoiement soudain ! Il se sentait vieux d’un coup, hein...! Mais il fini par acquiescer brièvement, nettement moins moqueur et beaucoup plus sérieux, soudainement. « Westmount c’est plutôt anglophone pourtant. Tu parles bien français. Je suis de Montréal, moi. La métropole de l’impolitesse... Je l’adore. Mais j’ai déménagé à New-York il y a quelques années. »

Une autre métropole de l’impolitesse. Son père avait probablement un thème central autour duquel il bâtissait sa vie ! Lysandre parlait tout en finissant d’éponger un minimum son dégât. Il pousse les serviettes sur le côté avant de se raviser et de les mettre dans l’assiette d’un voisin qui avait de toute façon terminé son repas et ne proteste même pas. Puis, il en revient à sa propre assiette pour manger un morceau de steak avant de relever la tête vers Colress.

« Alors, tu trouves ça comment ici ? », demande le jeune homme tout en ayant un regard autour d’eux, un peu las. Oh, en vrai il aimait bien le camp. Mais Lysandre détestait ne montrer que de bons sentiments. La crise d’adolescence était encore au tournant...! « C’est pas mal une fois qu’on s’y est fait mais tout le monde a une putain de famille dysfonctionnelle au possible, alors il y a plusieurs cinglés dans le coin... Ça nous fait vraiment pas d’avoir des parents aussi irresponsables. »

Avait-il vraiment besoin de préciser qu’il détestait les dieux ? Bienvenue dans le monde des demi-dieux...