Une amnésie partielle (Jayce)

Cela faisait quelques jours que je faisais profil bas au camp. Deux exactement … J’avais préféré sortir au maximum mais je ne pouvais pas continuer ainsi. J’avais le choix entre deux solutions : soit je faisais comme si de rien n’était, soit je trouvais une personne qui pouvait répondre à mes questions mais à qui j’étais sûre de n’avoir fait aucun mal … Immédiatement, je pensais à Jayce pour cette deuxième solution. Le jeune homme pourrait peut-être m’aider. Sa gentillesse et ses sourires sincères quand je le croisais me montrait bien qu’il ne m’en voulait pas le moins du monde.

Je décidais donc de me rendre à son bungalow. J’avais pris quelques heures avant de me décider, me dirigeant plusieurs fois vers son habitation, puis revenant sur mes pas. Au bout de la sixième fois, j’avais vraiment pris les choses en main et j’étais devant sa porte, l’air soucieux. Je mis quelques secondes avant de taper. Il devait être 18h00 et je n’étais pas sûr que le bellâtre soit chez lui. Heureusement pour moi, quelques pas m’indiquèrent que quelqu’un se dirigeait vers la porte. Lorsqu’elle s’ouvrit, je m’engouffrais, sans un mot. Jayce ne pouvait que voir que je n’allais pas bien.

Je pris de suite place sur la table de la salle à manger, les jambes se balançant, toujours sans un mot. J’étais complètement livide. J’avais peur de ce qu’on allait me dire. Il était peut-être encore temps de partir, non ? Je n’en savais rien … C’était ça le problème … Que s’était-il passé à cette foutue piscine ! ? Pourquoi n’avais-je aucun souvenir ? Une boule douloureuse dans le fond de ma gorge m’empêcher de parler aussi clairement que d’habitude, et lorsque je pus enfin aligner quelques mots, ce fut sans regarder Jayce. Je ne savais pas du tout comment il était à ce moment-là …

« Jamais je n’avais eu d’amnésie … »

Je redressais enfin mon visage, affrontant enfin le regard du jeune homme. Et dire qu’en temps normal, je serais en train de le bassiner pour avoir tous les détails croustillants de sa soirée aux côtés d’Achill … Mais je n’avais même pas conscience que les deux avaient bien profité de leur soirée.

Je n’étais pas moi-même, depuis quelques jours. Tout le monde pouvait le voir : je n’emmerdais plus Goldshade, je ne m’amusais plus à draguer le premier mâle que je croisais et l’on ne pouvait que rarement me voir aux heures où il y avait beaucoup de monde, que ce soit au réfectoire ou sur le terrain d’entrainement. Il faut dire que cela ne m’était jamais arrivé de me réveiller avec un trou noir. Je ne savais même pas comment j’étais rentrée au camp … Mais ma voiture était bel et bien là, donc c’était forcément un de mes amis présents ce soir-là qui m’avait ramené.

Je ne sais pas pourquoi je m’étais tournée vers Jayce. Peut-être parce qu’il était celui que je connaissais depuis le moins longtemps et j’avais donc moins peur de son jugement. Il faut dire que Jan et Ellana étant mes meilleurs amis, je n’avais vraiment pas envie d’apprendre de leur bouche que je leur avais faits du mal … Donc ce n’était pas évident. Et même si j’étais quelqu’un d’entière et qui assumait toujours ce que j’étais et ce que je faisais, je n’arrivais pas à assumer quelque chose dont je ne me souvenais pas. Normal que direz-vos.

Assise sur la table de salon de Jayce, j’espérais que le jeune homme aurait des réponses à mes questions. Bien sûr, j’ignorais totalement que le beau brun nous avait quittés, accompagné d’un beau blond, avant la fin de la soirée. En fait, je me souvenais à peine de la présence d’Achill à nos côtés. Je plissais légèrement les yeux, essayant de réfléchir, me replongeant dans la soirée. Je me voyais très bien au bar, dansant sur le podium, puis un visage m’apparut … Nathan … Je me vois alors descendre du podium, puis je me vois dans la voiture, au volant … Puis plus rien … Si … La piscine ? De l’eau ?

« C’est flou Jayce … Je … On est parti du bar … Je … Je ne voulais pas voir Nathan. Puis on est allé dans la voiture … On est parti, à la piscine ? »

Mes yeux azurs se posèrent sur mon ami, et il ne pouvait voir que mon regard inquiet. Je n’étais pas vraiment certaine de ce que j’avançais. Puis j’ajoutais :

« Mais je n’ai aucun souvenir du reste de la soirée. Dis-moi que je n’ai pas fait de connerie … »

C’est avec attention que j’écoutais le récit de la soirée. Je pensais que cela allait éveiller des souvenirs et peut-être me rendre la mémoire. Je fixais donc le jeune homme, tandis qu’il m’expliquait tout ce qui était arrivé dans cette fameuse soirée et surtout à la piscine. Je me posais surtout la question de savoir si nous avions été rejoints par d’autres personnes, si j’avais été plus loin avec Ellana … J’avais confiance en les personnes présentes, du moins, c’est ce que je croyais … Lorsqu’il précisa qu’Elena était présente, j’eus un petit doute. Mais elle était l’amie d’Ellana et jamais cette dernière ne l’aurait laissé me faire le moindre mal.

Un léger sourire apparut sur mes lèvres lorsque Jayce sous-entendit qu’Achill et lui étaient passés à l’acte. Finalement, cette soirée avait eu l’effet escompté, et si je n’étais pas occupée à retrouver ma mémoire, je l’aurais sans doute questionné sur cette première fois. Mais ce qu’il me dit alors me perturba. Une autre voiture ? Immédiatement, je repensais au petit groupe qui était venu au bar et qui m’avait fait fuir, ou au moins, une personne … Nate … Bien sûr, j’ignorais que les filles étaient venues seule et que le beau brun avait préféré s’occuper des monstres du bar.

« Nate … Bon sang … Si … Si j’ai fait la connerie de lui dire quoi que ce soit … Je suis dans la merde Jayce … »

Si Jan savait que mes sentiments envers le fils d’Hypnos étaient présents, je n’avais jamais dit la phrase que je m’apprêtais à dire. J’avais besoin de me confier, et Jayce était certainement celui qui me jugerait le moins.

« J’aime Nathan … Cela fait longtemps qu’on se tourne autour et c’est le seul qui me fasse battre le cœur à tout rompre … Mais, si l’on vient à se l’avouer, ça ne marchera pas. Je suis douée en bien des domaines, mais pas en amour … Pas pour moi … Et si je lui ai avoué à la piscine, je suis dans la merde. Je l’ai sûrement perdu … »

Sans que je ne m’en rende compte, une larme roula sur ma joue. Je ne pleurais jamais. Mais là, mon cœur était en train de se briser. J’étais vraiment convaincue que le beau brun était présent à la piscine, et que si j’étais dans cet état d’amnésie, c’était que j’avais du boire pour oublier une connerie que j’avais fait avec lui.

Avouer mon amour pour Nathan était un grand pas pour moi. Même si, au fond, je savais bien ce que je ressentais pour lui, je ne l’avais jamais dit haut et fort. C’était la première fois que mon cœur battait de cette façon. D’ailleurs, le fait que je l’évite montrait bien que cette relation était différente des autres. Habituellement, embrasser un homme ou aller bien plus loin ne me posait aucun problème, mais avec Nate, j’avais peur que cela soit le début de la fin. Je ne savais pas si j’étais capable d’aimer : une relation exclusive et sérieuse … Pouvais-je vraiment être ainsi ?

Jayce était adorable. Je posais d’ailleurs doucement ma tête contre lui, tandis qu’il venait de me sécher une larme. Et dire qu’une semaine auparavant, c’était moi qui conseillais le jeune homme. Oh, pas sur l’amour … Non. Sur son orientation sexuelle, puis sur comment charmer quelqu’un. Mais il avait finalement l’air d’en savoir plus que moi sur les sentiments, et cela me faisait plaisir qu’entre Achill et lui, cela fonctionne. Pour ma part, j’espérais simplement ne pas avoir tout foutu en l’air avec cette soirée. Car si j’étais certaine d’une chose, c’était que le jeune homme était présent au bar. Mais nous avait-il suivis à la piscine ? Pourquoi m’étais-je retrouvée dans cet état ?

Sans que je n’ai besoin de l’interroger sur sa relation avec Achill, j’en appris plus que ce que je n’aurais pensé. Cela ne m’étonnait pas. Savoir mon mentor gay n’était pas un choc, et cela me semblait même bien plus logique que sa soit-disante attirance pour les moches. Je m’attribuais un peu la formation de ce couple puisque si je n’avais pas eu cette idée de soirée, Jayce et Achill n’auraient peut-être jamais été assez alcoolisés pour se désinhiber.

« Ce n’est pas une histoire de ne pas assumer mes sentiments … On se connait peu Jayce, mais tu as bien vu comment je suis. Je charme tout le monde, je suis une femme qui aime la luxure et … Comment pourrais-je rendre un homme heureux alors que je suis aussi volage ? »

Oui, voilà vraiment le fond du problème … Être en couple avec quelqu’un signifiait avoir un comportement irréprochable, et je n’avais pas assez confiance en moi pour être le genre de femme qui rend un homme heureux ailleurs qu’au lit. Puis Jayce me parla d’Emma. J’haussais les épaules :

« Je ne crois pas qu’elle t’aidera. Je pense qu’elle ne m’aime pas. Je ne lui ai rien fait mais j’ai bien vu au bar qu’elle m’en voulait de t’avoir amené là … Puis elle est copine avec Diana et c’est le genre de nana à juger quelqu’un sans la connaitre. C’est dommage car je n’avais rien contre elle. »

Je ne savais plus où j’en étais. Je donnerais vraiment tout pour revenir en arrière, pour ne plus faire ce faux-pas face à Nathan. Où avais-je eu la tête lorsque je l’avais embrassé ? Pourquoi avais-je craqué alors que jusque-là, tout se passait parfaitement bien. A … Le destin certains diront. D’autres diront que c’est simplement mon cœur qui a parlé. Cet évènement avait-il eu un impact sur la soirée au bar, ou du moins, à la piscine ? Voilà une bonne question, à laquelle ni Jayce, ni moi ne pouvions répondre à cet instant précis. Mais d’autres pouvaient nous donner cette information.

La tendresse de Jayce à mon égard eut pour effet de me calmer rapidement. Je lui souris doucement, comme pour le remercier de sa gentillesse. Oui, je pourrais en parler à Jan ou à Ellana, mais j’avais tellement peur de leur avoir fait du mal, oh, pas physiquement, mais moralement. Peut-être ai-je essayé d’aller plus loin avec Ella, mais qu’elle m’a rembarré … Ou alors … Non, en fait, je n’en sais rien. Ces spéculations ne m’aident pas et, à vrai dire, j’ai juste envie d’aller me rallonger dans mon bungalow pour dormir et ne penser à rien.

« En fait, je suis persuadée d’avoir fait une bêtise, car je n’ai jamais bu au point de ne pas m’en souvenir. J’ai peur d’avoir blessé mes amis … Après, je suppose que j’en aurais entendu parlé si j’avais vraiment fait quelque chose de mal, non ? Mais tu as raison, on n’avance pas … »

Je soupire fortement, puis, je décide de passer à autre chose.

« Tu sais quoi, je vais faire comme si de rien n’était … Et si quelqu’un a quelque chose à me reprocher, je le saurai bien assez tôt, non ? Alors, raconte-moi … Avec Achill, vous êtes ensembles ? C’était comment ta première fois ?»

Chassez le naturel, il revient au galop. J’étais très curieuse de savoir les nouvelles pour le beau Jayce. Si je n’étais pas très bien par rapport à mon amnésie, il se trouvait que j’étais ravie que ma soirée ait formé un couple. J’espérais simplement que les deux jeunes hommes savaient dans quoi ils s’embarquaient … Jayce croyait en l’amour, mais Achill ? Je l’ignorais ….

Qu’est-ce qu’il était mignon lorsqu’il rougissait ! En même temps, ma curiosité était assez mal placée, mais je ne pouvais me l’empêcher. Ah … La première fois … C’était quand pour moi ? Oula, ça remonte … Huit ans déjà … Et ça n’avait pas été si top que cela, mais bon, pour les femmes, la première fois est toujours douloureuse. Enfin, je ne vous apprends rien et je ne vais pas m’étendre sur cela. Après tout, nous parlons de Jayce ! Et tandis qu’il bafouille, je ne peux m’empêcher de rire gentiment. Attention, je ne suis pas en train de me moquer, loin de là !

Lorsque le fils de Demeter retrouva enfin l’usage de la parole, il m’expliqua que mon très cher mentor avait peur que Jayce souffre du regard des autres. C’était quelque chose que je n’avais jamais compris. Comment pouvait-on se moquer de quelqu’un parce que sa sexualité était différente ? D’ailleurs, aujourd’hui, pouvait-on vraiment parler d’une sexualité différente ? Rien ne m’énervait plus que d’entendre des crétins utiliser des mots comme tapette, tantouse … et d’autres que je n’utiliserai pas. Bref, vous l’aurez compris, je n’étais pas ce genre de personnes prétentieuses qui pensent que rabaisser les autres, surtout sur leur sexualité, leur apporte quelque chose.

Lorsqu’il me demande mon avis, je secoue ma tête de gauche à droite, avec une moue quelque peu comique. Cela montre réellement que je trouve que c’est du grand n’importe quoi !

« On est plus en 1970 ! Les gens qui se moquent de la sexualité des autres sont ceux qui ont le plus à avoir honte ! Il n’y a qu’à regarder dans la rue, les homosexuels ne se cachent plus ! Achill a voulu te protéger, mais il faut que tu lui fasses comprendre que tu n’es pas une petite chose fragile. Mais c’est mignon, tu sais, il a fait ça pour toi. Mais assumez-vous, au camp, si quelqu’un vous fait une réflexion, je m’engage à lui pourrir la vie. On se connait que depuis peu, mais sache que si je dois pourrir quelqu’un, je le ferai … »
Je lui fis un clin d’œil, posant ma main sur son épaule.

« Et dire qu’il y a une semaine, je ne te connaissais pas … Et tu es le seul avec Jan à savoir pour Nathan … J’ai l’impression d’être une idiote. Quelle idée de tomber amoureuse ! »

Jayce était vraiment une personne qui était rapidement montée dans mon estime. Si j’étais quelqu’un de très amical, je ne me confiais tout de même pas si facilement. Quant à avouer des sentiments, autant dire que c’était d’une rareté exceptionnelle. Si l’on mettait de côté mes confidences sur l’oreiller avec Jan, et Ellana qui devait tout de même commencer à se poser des questions, Jayce était le seul à qui j’avais dit ces mots : J’aime Nathan Dreamson. Si j’en avais maintenant bien conscience, il y avait un réel ravin entre cet état de conscience et la déclaration au fils d’Hypnos.

Je sautais de la table et je ne pus m’empêcher de prendre Jayce dans mes bras afin de le serrer contre moi. Oh, rien de bien méchant, juste que c’était ma façon de le remercier. Je suis quelqu’un de très tactile et je suis comme ça, j’adore les calins ! Je compris bien sûr que le jeune homme sous-entendait qu’il avait plein de secrets, et en temps normal, j’aurais sûrement essayé d’aller à la chasse aux secrets. Mais je n’avais pas envie de cela pour le moment. Jayce m’en avait déjà pas mal dit avec son histoire avec Achill, et je savais bien qu’on serait amené à papoter bientôt.

« Merci Jayce, tu es un amour, tu le sais ça ? Et j’ai confiance en toi … »

Je lui déposais un bisou sur sa joue, et je souris en l’écoutant vanter le côté merveilleux de la monogamie. Je ne demande qu’à le croire, mais lorsqu’on a jamais laissé de place à l’amour dans sa vie, comment peut-on imaginer que cela puisse se passer ainsi ?

« Tu as sûrement raison, mais je ne peux le savoir. Jamais je ne suis tombée amoureuse … Je crois que … Enfin, je n’ai jamais vraiment cru à cela, jusqu’à ce que j’embrasse Nate … Mais quel mec censé pourrait croire que je peux être une partenaire unique et sérieuse ? Même moi je n’y crois pas … »

J’haussais les épaules, et mon regard se perdit dans le vide. Nathan devait prendre ça pour un jeu … Après tout, il me voyait coucher à droite et à gauche, et je ne cachais pas mon goût pour la luxure.

« En tout cas, le jour où tu auras besoin de moi, je serai là Jayce. Et je suis sûr qu’avec Achill, vous devez être bien mignons tous les deux ! Dis-moi, tes parents savent pour ton homosexualité ? »

Et voilà, Miss Curieuse revient avec ses gros sabots !

Bien évidemment, il fallait que je fasse une ânerie. J’étais vraiment loin de m’imaginer le passé peu heureux de Jayce. Il faut dire que j’étais une femme qui avait eu énormément de chance dans la vie. Oh, certes, ma mère n’était pas vraiment un exemple en matière d’amour, préférant combler mon compte plutôt que mon cœur. Ce n’est pas pour rien qu’étant petite, j’étais une terreur, cherchant à tout prix à me faire remarquer par ma mère. Oui, dans un sens, je n’avais manqué de rien, matériellement parlant. Puis j’avais la chance que mes grands-parents maternels aient été présents, pour moi, me comblant à chaque seconde. Jamais je n’avais connu la fin, ni la misère, ni même la douleur physique.

Je me mordis la lèvre lorsqu’il m’annonça que ses parents étaient morts. Je ne savais que répondre et un silence de mort régnait dans le bungalow. Mon cœur s’était serré et je bousculais mon cerveau pour trouver une réponse appropriée. Mais ce fut Jayce qui me rassura en me disant que je ne pouvais pas savoir. En même temps, si j’avais été moins curieuse. Bon sang ce que je pouvais me détester parfois ! Je me donnerai des claques si je n’avais pas peur de m’abîmer le visage.

« Si, c’est ma faute, il faut toujours que je sois curieuse et ce n’est pas la première fois que cela m’arrive. Si … Si tu as envie qu’on en parle, de temps en temps, tu sais, je suis là … »

Ma voix reflétait ma gêne, mais j’étais sincère. Si le fils de Demeter avait besoin de parler, je répondrais présente. Mais il changea rapidement de conversation, pour en revenir à Nathan. Je ne retrouvais pour autant pas le sourire, surtout lorsqu’il me rappela que je pouvais tout à fait me faire rembarrer par le fils d’Hypnos, si je venais à me déclarer. Je sentis alors une boule dans la gorge se former, tandis que j’imaginais cette éventualité.

« Je ne peux pas … S’il … S’il me repousse … Je crois que … Je ne m’en remettrais pas … »

Mon regard retourna vers le sol, je me sentais de nouveau mal. Bon sang, pourquoi étais-je tombée amoureuse ? Ma mère m’avait pourtant déjà dit que ce n’étaient que des emmerdes ! Nate ne pouvait pas aimer une fille comme moi, une nana qui se baladait de lit en lit, sauf dans le sien …

Il avait raison, il fallait que l’on passe à autre chose. Notre conversation commençait réellement à peser à la fois sur Jayce et sur moi. Je ne sais comment nous en étions arrivés là, mais de son côté, il pensait à ses défunts parents tandis que moi, j’envisageais l’éventualité d’un rejet de la part de Nate. Chacun de notre côté, nous étions comme deux chiens battus derrière les barreaux d’un refuge miteux … Et ce n’était pas dans mes habitudes. Autant dire que je me sentais mal comme cela. Alors lorsque Jayce voulut changer de conversation, je sautais sur l’occasion.

« Tu fais du dessin ? Sympa … Je veux bien voir ce que tu sais faire. J’ai toujours été subjuguée par les artistes … Je suis complètement nulle en activités manuelles. »

Je me souviens des cours d’arts au lycée où je me tapais des notes complètement pourries. Je n’avais jamais été douée, ni avec un crayon, ni avec un pinceau. Je ne comprenais pas comment les gens pouvaient faire de si belles choses juste avec une mine. Bon, chacun ses capacités, mais tout de même ! Etait-ce dans les gênes ? Possible car si vous prenez les enfants d’Apollon, ils étaient des musiciens nés.

« Que penses-tu d’aller ensuite nous entrainer un peu … Je n’ai jamais vu ce que tu donnais sur le terrain, mais ça m’intéresse beaucoup. Tu es plus combat au corps à corps ou à distance … attention, je te parle bien de combat, pas de jeux avec Achill. »

Je ne pus m’empêcher de lui adresser un clin d’œil, et je trouvais que la discussion redevenait détendue. J’étais impatiente de voir ce que Jayce donnait sur un champ de bataille et s’il pouvait être un partenaire efficace en mission ou face à un ennemi.

« Allez, fais-moi voir tes œuvres, mon beau. Je suis certaine que tu as déjà fait des portraits de ton homme … Je me trompe ? »

Un petit sourire malicieux apparut sur mes lèvres. J’avais vu à sa façon de parler que Jayce était tout simplement dingue de son Achill.

Corps à corps … Comme cela m’étonnait ! Oh bien sûr, Jayce se rendit rapidement compte du double-sens de sa phrase et cela eut le don de me faire rire. Il faut dire qu’il n’avait pas encore l’habitude que tout ait un double-sens avec moi. Je suis comme ça, je vois toujours des petites références sexuelles, même là où il y en a pas. Je trouve cela amusant et cela reflète bien ma passion pour la luxure. Bon, de mon côté, si je prends la phrase au premier sens, j’étais plutôt adepte de la distance. Arc, boule de feu … Mais j’aimais aussi utiliser mon atamé. Cela me ferait donc un entrainement pour la maitrise de cette arme.

Il ajouta qu’il n’était pas non plus le meilleur même s’il avait beaucoup progressé. Pour ma part, j’avais quelques facilités avec la magie, mais le combat, en soit, était plus compliqué, lorsqu’il était au corps à corps. Mais nous verrons bien et justement, c’était l’occasion de bien s’entrainer.

« Ne t’en fais pas, je ne suis pas forcément une experte au corps à corps, mais ce que j’apprécie, c’est réellement d’utiliser mes pouvoirs. C’est en moi … J’adore la magie. Pourtant, je ne suis pas une fille d’Hécate. »

Achill me fit alors voir plusieurs dessins. Je restais dans un premier temps silencieuse, observant ce qu’il me montrait, complètement bluffée par les dons du jeune homme. Vraiment, il avait une précision dans les détails et ces derniers faisaient ressortir beaucoup d’émotions … D’ailleurs, le portrait d’Emma était tout simplement sublime, et on voyait clairement dans ce dessin que Jayce tenait beaucoup à la jeune femme.

« C’est … Magnifique ! Il est parfait … Déjà, les paysages sont bluffants, mais alors le portrait d’Emma … Oui, tu devrais lui donner, car il est sublime. Et je reconnais très bien le lac, dois-je te rappeler qu’on s’est rencontré là-bas aussi ?»

Je réfléchis à sa question sur le portrait d’Achill et la réponse semblait couler de source :

« Tu devrais lui faire la surprise, je suis sûre qu’il va être ravi. Vu comment ton amitié ressort dans le portrait d’Emma, je n’imagine même pas comment l’amour va ressortir dans celui de ton cher et tendre …»

Cette bonne heure passée en compagnie de Jayce m’avait fait réellement du bien. J’étais heureuse de lui avoir parlé, et d’avoir eu le droit à l’optimisme version Jayce. C’est amusant comme quelqu’un que vous ne connaissez pas depuis à peine une semaine peut vous rendre le sourire en à peine une heure. Et je n’allais pas m’en plaindre. Avec Jayce, tout était différent. Il n’y avait aucune histoire de séduction, de sexe ou d’autres sentiments ambigus. Cela me faisait du bien finalement, car je n’avais jamais eu ce genre de comportement avec qui que ce soit. Ben oui, j’aimais séduire, c’était dans ma nature.

Le fils de Demeter était réellement doué dans le dessin, j’en étais d’ailleurs totalement subjuguée. Achill serait ravi d’un tel cadeau, qui ne le serait pas ? Et quand c’est fait par l’homme qui nous aime, je suppose que cela ne doit pas avoir de prix. Le temps de quelques minutes, je m’imaginais à la place d’Achill, avec Nathan à la place de Jayce. Ne rêve pas Absy … Le jour où un homme fera, pour toi, ce genre de truc super romantique, par amour, ce jour-là n’est pas arrivé, loin de là ! C’est la vie !

« Il va adorer ! Tu verras … Puis je suis sûre que ce sera splendide. »

Jayce allait se coucher. En lui souriant, je l’embrassais sur la joue en lui lançant :

« Allez la marmotte, je te laisse tranquille. Merci pour tout Jayce, tu es un véritable ami. Et n’oublie pas, si tu ressens un jour le besoin de parler, je serai là. Peu importe l’heure. Pense à frapper tout de même au cas où ! »

Je me mis à rire et je tournais les talons. Je retournais alors dans mon bungalow, le cœur un peu plus léger, même si j’avais quand même toujours ce poids de savoir ce qu’il s’était passé durant la soirée. Mais après une longue nuit de sommeil, je savais que j’allais pouvoir reprendre le cours de ma vie, et advienne que pourra ! De toute façon, j’allais bien m’amuser le lendemain puisqu’un duel était prévu !