Une partie d'échecs ? (Nyssa)

S’entrainer … Quoi de mieux pour parvenir à ses fins ? Rien je crois … Je suis une femme qui a besoin de s’occuper l’esprit à longueur de temps. Oh, bien évidemment, cela se traduit par l’étude de tout ce que nous avons appris sur ces monstres en cinq ans, mais je dois aussi travailler sur mes compétences personnelles. J’ai toujours été une grande stratège. A 10 ans, je parvenais à jouer aux échecs avec des adultes ayant de l’expérience dans ce jeu. A 13 ans, je devenais championne américaine chez les juniors. Ce n’est qu’après ce titre que j’ai essayé de me rapprocher de ma mère et de l’univers de la mode.

Bref, il m’arrivait régulièrement de m’entrainer contre moi-même. Vous le savez, je ne suis pas du genre sociable. Alors je ne me voyais pas demander à qui que ce soit de m’accompagner pour une partie d’échecs. Bien sûr, si on me demandait, j’accepterais, appréciant d’affronter un adversaire digne de ce nom. Mais pour le moment, la solitude me convenait. Rares étaient les personnes à chercher plus loin que ce que je dégageais. Oh, je n’étais pas vraiment très amicale lorsqu’on creusait la carapace que je m’étais forgée, mais je pouvais tout de même entretenir une conversation et être une oreille attentive. A la rigueur, je pouvais donner quelques conseils mais je ne me livrais jamais.

Je m’étais habillée chaudement ce matin-là. La température avoisinait les 0 degrés, et même si je n’étais pas frileuse, un bon manteau et une écharpe en laine ne seraient pas de trop. J’avais aussi enfilé une paire de gants noirs, car lorsqu’on joue aux échecs, les doigts peuvent rapidement être frigorifiés. Car oui, les plateaux d’échecs étaient dans le parc. Oh certes, ils étaient à l’abri sous une sorte de kiosque, mais les joueurs étaient tout de même au froid. Un bon jean et des bottes de cuir noir, et me voilà paré pour essayer de me battre.

Je descends donc dans le parc où je croise quelques opposants. Certains s’occupent des jardins, d’autres se promènent simplement. Lorsque j’arrive sous le kiosque, personne ne joue aux échecs. J’ai donc les trois échiquiers pour moi toute seule. Je m’installe tranquillement sur le plus éloigné, qui a une vue directe sur un magnifique parterre fleuri, très agréable à l’œil. En cette saison, il s’agit d’une multitude de perce-neige. Je mets en place les pièces et je m’apprête à commencer.

J’adore la solitude … Je suis de celle qui prône la phrase : « Mieux vaut être seule que mal accompagnée ». Et cela marche en amitié, comme en amour. De toute façon, sur cette seconde partie, je ne suis pas vraiment une bonne cible pour Cupidon. Les hommes m’ont toujours dégoûté, et ceux qui connaissent mon histoire savent que ce cher dieu Eros y est pour quelque chose. Quant aux femmes, la dernière qui a su faire battre mon cœur m’a lâchement quitté au moment où nous parlions d’avoir un enfant. Autant dire que la prochaine qui aura ma confiance n’est pas encore née. Façon de parler, je ne suis pas intéressée par les petites filles …

J’apprécie jouer aux échecs seule, mais je ne suis pas idiote … Avoir un vrai adversaire est toujours plus agréable. Même si j’aime être seule, je m’oblige à me montrer un peu plus sociable depuis que je suis arrivée ici. Il faut dire qu’entourée de ces adolescents ou de ces jeunes adultes, je me sens vraiment responsable d’eux. Et je dois dire que certains m’épatent et me donnent envie de les aider. Je refuse de laisser des jeunes mourir à cause de ces foutus dieux, ces lâches qui copulent de façon à former une armée d’innocents n’ayant rien demandé.

Oui, vous l’aurez compris, je hais les dieux. Leurs progénitures, c’est différent. Si au départ, je les haïssais tout autant, j’ai appris à prendre du recul et à me dire qu’ils n’étaient pas tous comme ça. En même temps, je l’espérais car ma première fille était tout de même le fruit de ces abominations. Enfin bon, revenons à nos moutons.

Je fus sortie de mes pensées par une petite voix qui me ramena à la réalité. Devant moi se trouvait une jeune femme que je connaissais de vue, mais avec qui je n’avais jamais eu vraiment l’occasion de parler, ni de m’entrainer. Je fus étonnée qu’elle vienne vers moi mais ma bonne éducation posa sur mes lèvres un léger sourire, et je lui répondis simplement :

« Bonjour Nyssa. Je vais très bien, et vous ? »

Je vouvoyais la plupart des personnes, sauf les plus proches de moi, et autant dire qu’ils étaient une poignée. C’était ma façon de garder une distance avec les gens, et ainsi, ne pas me lier. Mais bon, l’étiquette et surtout les bonnes manières m’avaient aussi appris à ne pas laisser une personne comme cela.

« J’allais jouer aux échecs seule, mais peut-être savez-vous jouer ? Je suis toujours à la recherche d’adversaires … De tout niveau. »