Aiguisés comme des lames feat. Emma Sullivan

L’armurerie. Lysandre n’aurait pas dût s’y trouver à cette heure. C’était presque sans intérêt. Le couvre-feu allait bientôt être mis en place et si on le prenait à être encore dehors à cette heure, il allait avoir des ennuis. Mais pas pour tout de suite, les soucis. Il avait encore une petite demi-heure devant lui avant qu’on se demande ce qu’il était devenu et quel châtiment il faudrait utiliser cette fois pour lui rentrer dans la tête que les règles, c’est fait pour être suivit. Encore que ces derniers temps, Lysandre était un peu plus tranquille, étonnamment. C’était arrivé tout d’un coup, sans qu’on ne sache réellement comment, ni pourquoi. Mais dans le fond, tout le monde s’en fichait plus ou moins. L’important, c’était qu’il se tienne à carreau. Ce soir, contrairement aux autres soirs, Lys n’était donc pas avec ses copains à rigoler ou déjà dans sa chambre à regarder quelques bons films qu’il adorait. Cinéphile ? Totalement. Mais là, c’était loin de ses pensées...

Assis dans un coin de l’armurerie, Lysandre aiguisait ses deux kopis avec grand soin, le regard néanmoins un peu perdu dans le vide. Il réfléchissait à... plein de trucs. Mais surtout à sa famille. C’est dingue comme dans ce camp, personne n’avait de vie de famille réellement heureuse. Ils étaient tous déviants à ce niveau d’une façon ou d’une autre et c’était malgré tout la faute de leurs dieux et déesses de parents. Parfois, Lysandre comprenait presque ce qui avait pu passer par la tête des demi-dieux qui avaient rejoint l’opposition. Presque. Parce qu’aucune colère ne pardonnait le genre de souffrance qu’ils infligeaient... n’est-ce pas ? Lys grogne un peu. Il détestait penser de cette façon, surtout que sa propre colère était du genre à le pousser à bout, à lui faire faire des trucs qu’il aurait mieux aimé ne jamais avoir fait. Le bruit de la lame qui passe rapidement sur la pierre continue d’emplir toute la pièce et Lysandre continue de penser...

...jusqu’à ce que soudainement, il se rate un peu... et c’est un peu de peau sur le côté de sa main qui y passe. Lysandre a un cri de douleur, relâchant tout ce qu’il tenait au sol. Ça fait un vacarme monstre, forcément... mais au milieu du bruit de ferraille, il entend des pas. Le jeune Canadien relève vivement la tête. Presque assis au sol, il était forcément plus petit que le nouvel arrivant qui lui, était bien sur ses deux jambes. Ou plutôt « elle »... Car il croise le regard d’Emma. Dans leur famille dysfonctionnelle, elle était sa tante. Mais il ne la considérait pas vraiment comme tel. Pourtant, étrangement, c’était tout ce qu’il lui reprochait. Et c’était donc la raison pour laquelle il était imbuvable avec elle. Il détestait sa mère, qui n’avait jamais daigné le rencontrer. N’était-il pas assez intéressant pour ça ? Bref, avoir la soeur de cette dernière au camp, ce n’était malgré tout pas une partie de plaisir...

Lysandre lui lance un petit regard flamboyant de colère, déjà fort agacé par sa présence alors même qu’elle n’avait pas encore ouvert la bouche. Ou si elle l’avait fait, il ne l’avait pas entendu à cause du bruit... Se relevant, le jeune homme arrache un bout de son t-shirt. De toute façon, il était déjà ruiné. Le blanc du tissu était maculé de sang sur une petite partie. Il enroule le bandage de fortune autour de sa main. Ça faisait un mal de chien et ça lui arrache un petit juron, en français celui-là. Lys ne jurait presque qu’en français, sa langue maternelle. Il repasse néanmoins bien vite à l’anglais.

« Qu’est-ce que tu fous ici ?! », grogne le fils de Némésis tout en lançant un regard aigu à sa vis-à-vis. « Le camp n’est pas assez grand, il faut que tu viennes m’emmerder jusqu’ici ?! Et puis, tu m’espionnes depuis combien de temps, hein ? »

Ce qu’elle l’énervait ! Se penchant, grimaçant sous la douleur, Lysandre récupère la pierre qu’il avait utilisée pour effiler ses armes. Il va la ranger, puis se saisit de ses kopis qu’il range dans leur fourreau. Pas de bouclier pour lui, non. Il était du genre plutôt hargneux au combat, même si on ne l’aurait pas trop dit en le voyant du haut de son mètre soixante-quinze avec ses bras que légèrement musclés par l’entraînement.

« De toute façon, je me casse... J’avais terminé... Amuse-toi bien, surtout. »

Sur ce, il passe près d’elle, la bousculant en passant et ce, sans grande douceur. Non, il ne ménageait pas trop ses effets... mais vraiment, cette fille, il ne la supportait pas ! Elle était sûrement comme sa mère. Elle devait lui ressembler... qu’en savait-il vraiment, au fond ? Il imaginait un peu Némésis comme ça. Une jolie brunette aux airs doux. Mais ceux-ci cachaient, chez sa mère, une rage et une puissance sans limite. Il savait ça, il le sentait. C’était juste... ainsi. Et Lysandre détestait ça.